ANALYS Coronapandemin sprider rädsla och panik bland befolkningen i DR Kongo, skriver den kongolesiske journalisten Josef Kafuka. Rykten sprids på sociala medier om att COVID19 är en sjukdom som ”uppfunnits av de vita för att utrota oss”.
Myndigheterna har svårt att vinna gehör för uppmaningar om social distansering, noggrann hygien och undvikande av folksamlingar. Många är vana att förlita sig på traditionell medicinering vilket ökar risken att fler blir smittade. Med tanke på den utbredda fattigdomen vågar myndigheterna inte ta till några mer drastiska restriktioner, som att stänga ner samhället så som man gjort i andra länder, eftersom många redan nu lever på gränsen till svält.
Doktor Jean-Jacques Muyembe, som leder landets Coronavirus Technical Response Unit, vidhåller dock att det är nödvändigt att isolera huvudstaden Kinshasa från resten av landet i hopp om att hejda smittspridningen.
Under de tidigare Ebolaepidemierna kunde DR Congo räkna med utländskt stöd for att möta krisen. Men nu, när Coronapandemin hotar hela världen är det inte sannolikt att landet får något mer omfattande finansiellt stöd utifrån. Och världens växande ekonomiska kris hotar dessutom att sänka priset på den mineralexport som landets ekonomi vilar på. Vad blir följderna om statens ekonomiska resurser urholkas samtidigt som de offentliga utgifterna borde ökas för att bemöta den hotande hälsokrisen? Är DR Congo på väg mot en katastrof?
Artikelförfattaren Josef Kafuka är en av de tjugo exiljournalister som deltagit i svenska Reportrar utan gränsers årslånga projekt Kollega till kollega. Projektet, som finansierats av Postkodstiftelsen, har syftat till att ge inflyttade journalister och skribenter från en rad olika länder möjlighet att fortsätta sin yrkesverksamhet i sitt nya hemland. Deltagarna har erbjudits både nya kontakter i den svenska medievärlden och kunskap om hur man arbetar med journalistik i Sverige.
Efter projektets slut kommer deltagarna att fortsätta utveckla sitt nätverk och erbjuda sin kompetens till svenska medier. Mänsklig Säkerhet kommer framöver att publicera artiklar av flera av projektets deltagare.
Artikeln publiceras både på engelska och franska.
Kinshasa, la capitale de la RD Congo est depuis le 10 mars 2020, à l’annonce du premier cas de Coronavirus, le foyer de la pandémie dans ce pays d’Afrique centrale. Mais le virus touche désormais les provinces du Kwilu, de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Et depuis ce samedi 18 avril 2020, le Congo-Kinshasa vient de passer la barre des 350 cas confirmés de Coronavirus, selon le bulletin épidémiologique de la coordination de la risposte. Le pays compte ainsi 154 cas suspects en cours d’investigation,35personnes guéries, 25 cas de décès, 190 patients sous traitement et en bonne évolution. En réalité, ces chiffres ne sont que provisoires et évoluent chaque semaine.
Quelles solutions locales face à la pandémie?
Dans cette mégapole qu’est Kinshasa, où la majorité de la population est habituée à l’automédication et à la médecine traditionnelle pour se soigner, les images faisant lebuzz sur les réseaux sociaux sont celles de la vente à la criée de la plante médicinale ”kongo bololo”, de son nom scientifique, vernonia amygdalina. Une plante sauvage qui pousse dans les espaces marécageux et aux abords des cours d’eaux du bassin du Congo. Cette plante a depuis les temps ancestraux, été utilisée en médecine traditionnelle pour soigner diverses formes de la malaria. Aujourd’hui, dans les rues de Kinshasa, les petits vendeurs de ”kongo bololo” font leur apparition, bousculent les vendeuses de légumes et fruits tropicaux (avocats, mangues, papayes, ananas …).
Rude est la bataille entre vendeurs et revendeurs, tout comme rude est aussi la survie d’une population frappée de plein fouet par une pénurie alimentaire aigue. Tragique illustration rapportée par la presse locale: le drame qui vient d’endeuiller une famille suite au décès des trois enfants, après avoir consommé un mélange de ”kongo bololo” au citron et gingembre. La mère de ces trois enfants est aux arrêts dans un poste de police. Mais dans une ville où les habitants vivent au jour le jour, nombreux sont ceux qui préfèrent ne pas y croire, et se tournent vers les commérages du genre ”Coronavirus, c’est une blague”, ”Coronavirus, c’est une maladie des blancs”, ”Coronavirus, c’est comme le Sida, une invention des blancs pour nous exterminer” etc
Ainsi, quatres semaines après l’annonce de mesures restrictives par le président Tshisekedi, le constat est sans appel: ces mesures d’urgence sanitaire ne sont toujours pas de stricte application, les instances politiques peinent à vaincre les doutes d’une population scéptique qui ne cesse de s’interroger sur leur pertinence. Prise en étau entre d’une part, la crise sanitaire avec les mesures drastiques annoncées, et les besoins de survie quotidienne d’autre part, les habitants de Kinshasa affichent plutôt une insouciance déroutante. Les avenues, les rues de la ville ne se dépeuplent pas, les interactions humaines sans protection, sont toujours nombreuses et vont malheureusement accroître la transmission de la pandémie, comme le redoutent les spécialistes du secrétariat technique du Comité de riposte au COVID-19: ”la pandémie poursuit sa croissance lente mais vertigineuse et le bénéfice de l’isolement-confinement, difficile d’application en RD Congo paraît aléatoire. La pandémie pourrait atteindre son pic de croissance durant la première ou la deuxième semaine du mois de mai prochain à Kinshasa”. Ces spécialistes alertent aussi sur ”un flux important des malades dans les structures médico-sanitaires de Kinshasa, si les efforts de préparation en cours ne sont pas soutenus et finalisés”.
Jusqu’ici, les informations officielles rapportées par les médias, les comptes-rendus de réunions ministérielles, les alertes du gouverneur de la ville ”Restez à la maison, Evitez les rassemblements et activités en groupes …”, et même les appels au respect des règles d’hygiène élémentaire lancés par ces ”hommes de dieu” et autres pasteurs n’y changent rien. Autre illustration de cette relative hystérie observée auprès de certaines catégories des congolais et cette confusion qui pourrait gagner du terrain: le cas de ce bus transportant des ressortissants européens vers l’aéroport et qui a été pris à parti par des badauds d’un quartier populaire de Kinshasa. Le véhicule a été attaqué, des invectives lancées contre les ”blancs qui apportent le Coronavirus”. Un acte isolé certes, mais qui traduit l’ignorance ambiante et le refus de chercher à comprendre une pandémie qui fait de plus en plus peur …
Confinement ou non confinement, la peur partout …
La peurs’est installée dans tous les secteurs, à tous les niveaux. A commencer par les instances politiques de prise des décisions. Selon les spécialistes, la distanciation sociale, le respect des règles d’hygiène élémentaire (se laver les mains régulièrement) sont obligatoires pour lutter efficacement contre la propagation du Coronavirus. A la suite de l’état d’urgence sanitaire annoncée par le président Félix Tshisekedi, le ministère de la santé publique, tout en s’inquiétant du nombre croissant des contaminations, a ouvert plusieurs fronts d’une campagne de sensibilisation populaire face à la pandémie: distanciation sociale, respect des règles d’hygiène, utilisation des désinfectants, port obligatoire des masques, restriction des salutations, des réunions et rassemblements populaires, fermeture des bistrots et églisettes etc …
Mais les responsables politiques veillent à ne pas annoncer des mesures pouvant compromettre la très précaire sécurité alimentairede la population. Car, pour la majorité des habitants de Kinshasa, pour les quartiers populaires, le confinement est un vrai cauchemar domestique qu’il faut éviter, à tout prix. Ainsi, aucun politique n’ose parler du confinement total à Kinshasa ou dans d’autres provinces congolaises. Le gouverneur de la ville de Kinshasa a vite réculé face à la tentation d’annoncer pareille décision. La simple évocation de cette mesure radicale a déjà engendré une hausse spéctaculaire des prix des denrées de première nécessité. Du coup, la question prend une tournure politique, car il ne faudrait pas que les conséquences socio-économiques du Coronavirus fassent plus mal que le virus lui-même !
En attendant, les acteurs politiques semblent battre en retraite, pour placer l’homme de science au devant de la scène. Ainsi, les regards sont tournés vers le virologue congolais Jean-Jacques Muyembe, chargé par le Président de la république de piloter la Cellule technique de riposte au Coronavirus. Sa dernière sortie médiatique au cours de laquelle il a annoncé l’arrivée imminente d’un candidat-vaccin, a déclenché une polémique qui n’en finit pas. L’essentiel de son message a été d’un côtévilipendé, avec des réactions désapprouvant les tests qui seraient effectués sur des humains. “Nous sommes maintenant choisis pour servir de cobayes!”, écrit un activiste. Tandis que de l’autre côté, on salue l’initiative, avec l’espoir que ce vaccin expérimental devienne un début de solution.
Au plan national, le président Tshisekedi vient d’ordonner la suspension des mouvements migratoires entre Kinshasa et les provincescongolaises. Quant au gouvernement, il s’est manifesté par quelques annonces: lancement du projet Fonds de Solidarité nationale contre le Coronavirus, appels à l’engagement des opérateurs économiques, gratuité de l’eau et l’électricité pendant deux mois et maintenant, port obligatoire des masques, même de fabrication artisale! L’armée et la police sont mises à contribution pour veiller au respect de toutes ces mesures. Pourtant, avec la confirmation par la Cellule Muyembe, d’un budget de 135 millions USD indispensables pour engager véritablement la bataille contre le Coronavirus, c’est maintenant que ce Fonds de solidarité devrait être visible et opérationnel. Et les Congolais devraient déjà assister à la déclaration des premières contributions!
Alors, confiner ou pas confiner? Pour le docteur Jean-Jacques Muyembe, ”Confiner Kinshasa est une obligation, et toutes les autorités sont d’accord sur ce point. Nous pourrions ne pas nous limiter au confinement de Kinshasa et élargir la mesure à l’ensemble du pays. Il faut savoir ce qui se fait ailleurs, sur le continent africain par exemple, où certains pays ont déjà adopté cette solution.”
Système sanitaire précaire, confinement intégral ousélectif?
Certains observateurs ont vite fait de rappeler non sans pertinence, que cette crise sanitaire posait au-delà de la question de l’insécurité alimentaire, celle de l’impréparation générale des autorités d’un pays qui pourtant, a connu plusieurs épidémies d’Ebola. En effet, Le gouvernement congolais est en faillite, avec un déficit de 5 milliards de dollars US dans son budget 2020, principalement en raison de cette promesse plus ou moins tenue jusqu’à présent, de rendre l’enseignement fondamental gratuit. Ainsi, l’effondrement des activités économiques de Kinshasa pourrait avoir des conséquences incontrôlées dans tout lepays, avec comme point culminant la pénurie des produits de première nécessité sur les marchés et la paralysie des institutions politiques. Ce qui mettrait en difficulté la paix sociale.
Le déficit budgétaire de l’Etat congolais est chronique, et lui fait perdre toute crédibilité pour juguler les effets de cette pandémie. L’appel à la solidarité nationale et internationale à travers la création du Fonds National de Solidarité contre le Coronavirus en est une parfaite illustration. La marge de manoeuvre de l’Etat, très réduite en temps normal, se retrécit dramatiquement pour une réelle prise en charge sociale et médicale. Pendant les épidémies d’Ebola, le gouvernement congolais a pu compter sur des financements extérieurs en vue de répondre aux crises. Et parfois, a-t-on assisté à la substitution étrangère directe de l’État dans la prestation des services de santé. Mais maintenant, avec cette catastrophe universelle qu’est la pandémie de Coronavirus, il est peu probable que Kinshasa reçoive un financement extérieur important. Et la récession mondiale qui se propage est susceptible de dégonfler encore les prix des exportations de minérais dont le budget national dépend en grande partie.
A noter tout de même, ces quelques signaux de bonne volonté: l’ambassade des USA à Kinshasa vient d’annoncer l’augmentation de la contribution américaine pour la lutte contre le Coronavirus en RDCongo. Cette contribution passe de à 14 millions de dollars USqui vont servir à la formation, la sensibilisation, à l’achat de matériel et à la production locale des masques de protection. Le Royaume-Univient de s’engager à soutenir le Congo-Kinshasa à lutter contre la pandémie COVID-19, au travers d’une assistance évaluée à plus ou moins 1.875.427 dollars US. Celle-ci sera accordée à l’ONG Action contre la Faimpour soutenir le Plan national de riposte contre le Coronavirus, afin de sauver de vies humaines dans la ville de Kinshasa. Tandis que le Bureau de coordination des affaires humanitaires (ONU) à Kinshasa vient de débloquer 10 millions de dollars US pour permettre de faire face à l’expansion de cette pandémie, en mettant l’accent sur la sensibilisation et la participation populaire en matière de prévention. C’est ici le lieu de soulever l’autre question majeure à laquelle le gouvernement congolais devrait trouver une réponse urgente: si les ressources de l’État s’épuisaient, si les nécessités de dépenses publiques réelles augmentaient, que ferait-on face à une crise sanitaire dont les conséquences sont difficiles à estimer? S’achemine-t-on vers une catastrophe?
Face à pareil questionnement, J-J.Muyembe choisit de garder sa blouse blanche: ”C’est le confinement qui a sauvé la Chine. Il n’y a pas à ce jour, d’autre solution qui ait prouvé son efficacité. Nous devons nous préparer. Nous savons tous, comment survivre en cas de disette, de guerre ou d’épidémie. C’est ce qui fait la force de l’être humain. Nous devons apprendre à nous adapter … ” Même si le système sanitaire congolais est précaire et les hôpitaux dépourvus d’équipements, il n’y a donc pas d’autre choix que d’affronter courageusement la situation. Le confinement total est un passage obligé. Cependant, quelques précisions utiles s’imposent: ”Nous allons par étapes. Confiner une commune, puis étendre la mesure à d’autres communes, à d’autres zones. Nous n’allons pas courir après la pandémie.”
Confirmation de cette approchepar un autre spécialiste congolais qui soutient que: ”Les stratégies appliquées ailleurs ont certes un intérêt théorique évident, mais ne peuvent pas être extrapolées intégralement chez nous. Quelques pays africains ayant les mêmes conditions socio-économiques que la RD Congo ont adopté de mesures souples, compatibles avec le fonctionnement normal des activités économiques à faibles risques. Ces pays ont imposé le port des masques, dans la mesure où l’Etat est capable de les fournir. Et quelle que soit la stratégie de riposte adoptée, le port des masques, couplé aux mesures d’hygiène, permettent de garantir une protection minimale pour maintenir certaines activités économiques essentielles, devant générer de conditions économiques indispensables à la survie de la nation. Ainsi, le confinement sélectif paraît tout aussi bénéfique, dans la mesure où il permet de déconfiner les territoires non affectés par la pandémie et qui pourraient s’attéler à une activité économique normale. Le confinement intégral bien appliqué, est certes susceptible de stopper et d’éradiquer la pandémie en un temps relativement court. Mais le prix à payer est hors de notre portée.”
Et les frontières?
Ce ne sont pas les frontières qu’il faut fermer, ce sont des foyers d’infection qu’il faut identifier et isoler, nuance! La géographie sanitaire et la géographie politique sont deux notions bien distinctes.
Josef Kafuka
Born in Bukavu in February 1954, graduated from the Faculty Institute of Information and Communication Sciences in Kinshasa, Joseph Kafuka studied communication techniques at the University of South Carolina, in Columbia (USA) .
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Redaktör: Lotta Schüllerqvist, chefredaktör, Press- och yttrandefrihet, Mellanöstern.
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